Je fais une experience, une tentative aujourd’hui,
J’ai de l’experience et une habileté à composer des gammes, à choisir des couleurs,
J’aime les experiences, le travail empirique
Je postule, j’hypothèse, je tente de formuler ma pensée.
J’ai choisi pour cette présentation une reflexion sur la couleur et sur les raisons d’être de ces réunions qui nous rassemblent depuis tant d’années.
Le rythme des saisons se dérègle dans la réalité du climat comme dans celle du marketing.
À quoi bon projeter l’hiver 2526, puisque nous sommes soumis aux rythmes de plus en plus frénétiques des tendances - qui n’en sont plus - mais plutôt des actualités en jet continu
comme les chaines info en perpetuel direct.
Nous questionnions les conséquences du déploiement de l’intelligence artificielle,
nous y sommes arrivés très vite et à grande échelle.
Les fondements artistiques de l’écrit, l’image et la musique sont balayés sans ménagement,
les auteurs se réveillent avec la gueule de bois, scénaristes à Hollywood, musiciens, artistes visuels
se sentent en danger.
Comment, non pas vivre mais « être », dans ce système ?
Nous, nous sommes des gens de matière et nous négocions avec le réel, tout le temps.
Allons-nous devenir une niche ? Un petit monde d’experts quasi microscopique dans l’immensité de la production digitale détachée de toute contingence matérielle ?
Ce questionnement me perturbe beaucoup. Je me sens comme un cheval qui renâcle devant l’obstacle, qui n’arrive pas à s’enthousiasmer pour ces artificialités intelligentes alors que le futur des matières et des matériaux me passionne.
Dans ce territoire de la matérialité, du textile, de la mode ou du design, deux voies vont probablement s’écarter l’une de l’autre, remettre en cause les relations art, design, industrie, communication telles que nous les connaissons actuellement, c’est-à dire profondément interdépendantes,
jusqu’au malsain parfois
avec la marchandisation de l’art et la tyrannie du buzz.
Le jeu des tendances telles que nous les connaissons va être sérieusement bousculé.
Une des 2 voies est celle du pur design industriel, ou l’application de la couleur est déterminée par un usage, fruit d’un consensus, d’un travail d’équipe, d’une communauté, pour des réponses sur mesure, personnalisées. La couleur utile, consensuelle où nous sommes obligés de sortir de notre tour d’ivoire pour travailler avec, plutôt que travailler pour. Et c’est tant mieux.
Le champ est encore large quand on pense à tous les environnements, les objets, les matériaux qui nous entourent. Ecologie et empathie vont énormément faire bouger les lignes.
On va devoir se passionner plus pour la chimie des pigments et des couleurs.
On peut imaginer que dans un premier temps, les teintes éclatantes vont se faire plus rares, les blancs trop optiques, les vifs trop fluo seront écartés.
L’autre voie est celle de la sensorialité extrême.
Le bain de couleur. La plasticité de la couleur.
Le parti pris unique, la vision libre d’un plasticien ou d’un artiste, sans limite.
Avec du sens ou pure vision subjective. oui, Libre.
Ressentir la couleur, sa vibration, ses bienfaits, sa matérialité, son toucher, son odeur.
Ici c’est une idée de plénitude, de profondeur, de qualité de la teinte,
qui peut-être lumière aussi.
La teinte ou les teintes exprimées dans leur identité et leur intensité les plus poussées.
Un bleu explosif et charnel, un mauve plastique, un jaune strident comme une éclaboussure de velours, un ciel peluche sans fond, un brun tout en rondeur, un vert trop craquant, un rouge raisin fondant, des irisations et métaux dans lesquels l’oeil se perd ou cherche à se regarder lui même.
Donc mes couleurs sont choisies selon l’impulsion du moment
je ne cherche plus à contrôler
elles sont duo, elles sont contradictoires, elles sont matières
elles oscillent entre l’espoir, la douceur,
des couleurs qui bercent, qui rassurent, qui apaisent
et la couleur punchline, directe à l’estomac, violente et dérangeante.
Je les ai choisies comme Marie Kondo fait du rangement, parce qu’elles m’ont fait vibrer,.
Elles montrent le chaos de la pensée et l’inconscience impulsive du faire.
Je ne sais pas ce qu’elles annoncent, si elles sont signifiantes et prospectives,
Elles sont juste là.
Elles nous font signe.
Texte écrit pour le Comité français de la couleur AW 2526
le 5 octobre 23